Comment je me suis fait ensabler vivante 100 mètres sous terre à la Grotte du Sergent de Saint Guilhelm le Désert – et même que j’ai aimé ça

7 heures du mat’ j’ai des frissons

C’est après une semaine venteuse pour tous et un peu morose pour certains que notre petit groupe de MASC-Vaucluse-AESD a décidé d’aller visiter une grotte quelque part dans un coin où on n’a pas l’habitude d’aller.

Par ce beau dimanche matin, après un réveil difficile (je revendique le droit à l’hibernation), trop cool : ces messieurs Jojo et Ludwig viennent me chercher quasi à domicile (message personnel : je vous aime) et en route pour Remoulins.

On retrouve Charlotte, en provenance de Pierrelatte, au péage à l’entrée de l’autoroute A9 et nous voilà partis pour Saint-Guilhem-le-Désert, dans l’Hérault, après Montpellier. Objectif : visiter la Grotte du Sergent (et non pas du Serpent, n’est-ce pas les copains – lol). On l’appelle ainsi parce qu’après la défaite de Napoléon, un Sergent serait venu s’y réfugier.

Quand t’es dans le désert depuis trop longtemps nananana

Les descriptifs qu’on avait vus (enfin, que les copains avaient vus) sous forme de vidéo ou de compte- rendu de spéléologues et autres promeneurs du dimanche mentionnaient une grotte facile à visiter sans équipement. A vrai dire sur ce point c’était ambigu car une personne disait quand même qu’ils avaient « failli perdre la vie » (sic).

Il y a le ciel, le soleil et la terre

On savait aussi qu’on aurait une marche d’approche d’à peu près 1 km pour atteindre l’entrée de la grotte, située dans une falaise en hauteur. Nous avons quelque peu erré avant de trouver le bon chemin, en suivant le cours d’une rivière rempli de gros cailloux. En fait on a adoré cette marche d’approche, véritable petite randonnée, jolie grimpette sous un soleil radieux, même pas froid, même pas de vent et des arbousiers à foison dressant fièrement leur verdure éclatante parsemée de jolies petites boules rouge écarlate vers le bleu azuréen du ciel.

Arrivés à l’entrée de la grotte, on s’équipe et là, grande question : devons-nous ou pas emporter avec nous la corde de 10 mètres (30 ?) que Ludwig a apportée au cas où. Un regard circulaire sur l’entrée, souvenir des personnes habillées en petite tenue estivale vues dans une vidéo de présentation de la grotte : on décide de ne pas s’encombrer, on laissera cette corde dans un sac à l’entrée, on la récupèrera au retour.

Tout vient à point à qui ne l’attend pas

On s’engage dans la grotte, première salle un peu banale, des cailloux et du sable grossier, on avance un peu et là on va de surprise en surprise et d’émerveillement en émerveillement ! Plus on s’enfonce dans la grotte et plus c’est beau, des concrétions de toutes formes, des draperies, des stalagmites, des gours, des diaclases (trop contente d’avoir appris ces deux nouveaux mots du jargon spéléo ou plutôt de géologie).

Instant culture (culture spéléo alors ça va, hein ? Hihi)

Un gour, c’est une cavité qui s’est remplie d’eau et dans laquelle la calcite commence à stagner sous forme d’un petit film gras ; plus tard, celui-ci se déposera pour former ces petites motifs striés qui font justement penser a des vaguelettes sur l’eau, que l’on voit souvent sur les rochers. Une diaclase, c’est une faille, un endroit ou la roche s’est fendue sans se désolidariser, en général perpendiculairement aux strates de sédimentation, si j’ai bien retenu.

Où l’on se tâte et tâte le terrain

On retrouve le concept de « sol irrégulier » tel qu’on a pu le vivre dans la grotte de Saint Marcel. Ici, ce qui est très étonnant, c’est qu’on passe quasiment sans transition de zones plus que semi-humides (lol) : carrément mouillées, à d’autres où l’on se croirait littéralement sur une plage de sable fin.

Il y a aussi des cailloux plus ou moins brillants et en général les gros rochers sont secs, sauf à un moment où l’on se retrouve devant un joli toboggan avec une corde à nœuds qui a été fixée là manifestement pour descendre en rappel. On a devant nous une pente rocheuse bien mouillée et donc glissante, qui à première vue ne présente pas trop de marches ou de prises naturelles.

Là on se pose des questions : est ce qu’on passe, est-ce qu’on ne passe pas ? On aperçoit plus loin d’autres salles avec toujours de belles concrétions, on est curieux, on a envie de voir, on est motivés…

Avec mes expériences de glissades et le peu de force que j’ai dans les mains, je m’interroge. On décide de faire un test. Il y a une première grande marche, Ludwig descend, moi je tourne à droite, à gauche, à droite, à gauche, un peu comme un chat qui cherche par où il va passer et puis finalement je m’aplatis sur le sol en plein dans une flaque et je me laisse glisser en me retenant grâce à une prise à portée de main en pleine flaque. Mes pieds finalement trouvent assez facilement des prises, Ludwig me pare, ça me rassure, je me retrouve sans grande difficulté en haut de la descente et à vue de nez je pense que je vais pouvoir le faire. Si j’arrive à remonter sans trop de difficulté cette première marche, je décide pour ma part de me lancer.

Proverbe Chan : il faut d’abord se jeter dans le vide et ensuite les ailes se mettent à pousser (à ne pas prendre à la lettre, hein, déconnez pas, les gens !)

En fait ça me rappelle quand on travaille sur corde dans les puits, ce moment où il faut se lâcher dans le vide, c’est juste un passage. Finalement sur ce type de descente, le plus difficile, c’est de tourner le dos au vide et de se mettre à descendre comme si on descendait des escaliers. En haut de la montée, je cherche donc à remonter sur le palier, tire à gauche, pousse à droite, une prise un peu éloignée pour le pied droit, je me hisse en tirant sur la corde, j’attrape plouf la prise qui se trouve en plein dans la flaque bien argileuse repérée avant de descendre et finalement je me retrouve sur le plateau.

Là je dois dire que j’apprécie mon sac de sudation, comme l’appelle Ludwig, à savoir ce qui me tient lieu de combinaison de spéléo pour le moment : une combinaison moto pluie qui présente l’avantage d’être bien étanche. J’ai également beaucoup apprécié sur cette sortie les bottes en caoutchouc que j’ai décidément adoptées pour mes sorties spéléo et qui ont le mérite d’être bien étanches aussi, car on s’est retrouvé à plusieurs reprises les pieds dans l’eau dans cette grotte.

Cathédrale et salle à manger : architectures naturelles

On descend donc le toboggan, on passe devant un Bouddha en pierre, une petite crèche, une statue médiévale, plein de stalagmites qui ont l’air d’avoir été cassées net. On se demande si c’est du fait de l’homme ou d’un effondrement.

On s’arrêtera pour manger dans une salle après avoir exploré quelques recoins qui nous auront fait traverser quelques étroitures, mais rien de très méchant – encore que l’une d’entre elles nous a obligés à faire des S de nos corps, c’est fou ce qu’on peut faire avec un corps, c’est fascinant, non ?

A un moment on s’est retrouvés dans une grande salle très belle avec à la fois de gros cailloux amoncelés, des stalagmites et puis une dune de sable adossée au rocher.

Question culture : qualifierait-on ce paysage souterrain d’erg ou de reg ? Les amateurs de mots croisés comprendront ! Hihi

Partie de plage, peeling et enveloppement

Ludwig nous regarde d’un air qui n’inspire pas trop confiance, Charlotte et moi, et nous lance sur un ton qui se veut charismatique et engageant : «  Hé, les filles, vous voulez pas que je vous enterre ?

A la plage, j’enterre toujours ma femme ! ».

Silence circonspect des filles en question.

Puis Charlotte, courageusement, émet un stratégique : « Rita, peut être ? ».

Et voilà, c’est encore moi qui vais m’y coller ! Notez que ça m’amuse plutôt, j’aime bien m’enfoncer dans le sable CHAUD. Mais là le sable est humide et franchement un peu froid. Mais bon, quand on peut faire plaisir… Je m’allonge donc, je cale mes jambes et vas-y que tout le monde se lâche et que Ludwig se prend pour un engin de terrassement type bulldozer et commence à brasser plein de sable et ils s’y mettent tous à cœur joie et me recouvrent totalement, il n’y a plus que ma tête qui dépasse (je suis curieuse de voir la photo ! je sens que mon ego va encore en prendre un coup, mais c’était vraiment marrant !).

La mise en sable

Le deal c’était quand même de s’arranger pour qu’il n’y ait pas de sable dans ma combinaison et évidemment j’en ai eu plein quand même ! D’ailleurs quand j’ai pris ma douche le soir, j’ai retrouvé plein d’argile au fond de la baignoire.

Quand les enfants ont fini de s’amuser et de prendre leurs photos, je sors de terre, l’espace d’un instant j’ai l’impression d’être « Le Golem » du livre éponyme de Gustav Meyrink (instant culture).

Atelier typo et signalétique

On profite du sable pour faire la traditionnelle photo de groupe avec le drapeau du MASC sans le drapeau du MASC, puisqu’on ne l’a pas. On essaie différents trucs pour écrire MASC dans le sable mais ça ne rend pas grand-chose en photo. C’est Jojo qui aura une super idée en faisant des gros boudins pour tracer les jambes et la partie centrale du M. On colle nos belles têtes de vainqueurs autour du M, on fait encore une petite série de selfies… 

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Ensuite on a fait des roulades dans le sable. J’ai fait la sirène. Ludwig a dit que je n’avais pas dû voir de sirène depuis un moment, mais je pense que c’est parce qu’il est jaloux.

Que dire d’autre ? En fait on a dit beaucoup beaucoup de choses dans cette grotte que la décence nous interdit de reproduire ici. En tout cas on a bien rigolé, on s’est vraiment fait plaisir et cette grotte a été une très belle découverte, une jolie surprise.

Du moment que jusqu’au bout de lui-même le spéléologue a fait ce qu’il a pu (sauras-tu reconnaître à quel poète est emprunté cette tournure de phrase ?)

On est allé aussi loin que possible, et aussi bas (altitude 118 m, soit 100 m sous la surface). Notre point d’arrêt a été une étroiture pour le coup très étroite et surtout très basse. Ludwig n’a pas réussi à passer. Jojo et moi on a essayé d’aller voir. Pour ma part je passais. Arrivée au bout j’ai hésité à me laisser glisser dans ce qu’on voyait être une petite salle parce que je n’arrivais pas à distinguer si en- dessous il y avait vraiment du sol ou pas et on ne se rendait pas compte si on pourrait se retourner ou pas.

Du coup on a préféré ne pas y aller pour éviter de se retrouver en difficulté. Pour moi, c’est un itsi bitsi ouini mini bout d’exploration d’une grotte qu’aucune des personnes présentes ne connaissait. Et cet itsi bitsi ouini mini bout d’exploration, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup…

Phénomènes naturels

Sous terre, tout semble tellement naturel ! Naturel comme l’eau que j’ai bue en approchant mes lèvres d’un gour, claire et fraîche…

A un moment on s’est offert un moment de vrai noir. C’était merveilleux. On a tous eu des phosphènes – normal.

Instant culture : nos phosphènes étaient plutôt verts parce que nous sommes tous habillés en rouge et que la rémanence rétinienne nous fait voir la couleur opposée complémentaire à celle que nous avons fixée avant d’éteindre la lumière. C’est d’ailleurs sur ce phénomène rétinien que s’est basée la recherche de Robert et Sonia Delaunay sur les contrastes simultanés en peinture et en tapisserie au début du XXe siècle.

Moi j’aime bien le vrai noir, les phosphènes et les contrastes simultanés. Mes gentils camarades râlent un peu quand je leur fais partager mes instants culture mais je pense qu’au fond ils aiment bien, en tout cas moi ça me fait marrer, sous terre on est un peu comme l’eau des gours : sans filtre mais naturel et du coup, tout est simple, on fait ce qu’on a envie, c’est cool.

Un poisson nommé Ludwig

En sortant de la grotte, on a refait cette belle marche de retour dans la lumière du jour qui commençait à pâlir. On s’est changé au bord de la route. Ludwig est allé se rincer dans une résurgence un peu plus loin sur la route au bord de laquelle on s’était garé, le long de l’Hérault. Après quelques sorties spéléo avec le MASC, si t’as pas vu Ludwig à moitié nu, t’as raté ta laïfe.

Hoplà

On avait envie de boire un coup, alors on s’est arrêté à Saint Guilhelm le Désert, adorable petit village joliment éclairé pour Noël. Nous avons bu qui un chocolat chaud, qui un vin chaud, qui une bière. J’en ai profité pour aller faire un tour dans l’église, chef d’œuvre de l’architecture romane d’un genre rare, avec une nef centrale et des bas-côtés voûtés en berceau mais étonnement élancés, avec de beaux restes d’une crypte proto-romane et un joli cloître.

Puis nous reprîmes le chemin du retour, fatigués mais heureux et surtout heureux. On a hâte de se retrouver, normalement le week-end prochain, pour de nouvelles aventures. Stay tuned ! Hohoho

  • Présent :
    • Jojo
    • Charlotte
    • Rita
    • Ludwig
  • TPST 04h00
evac san.

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