COMPTE RENDU DE LA SORTIE DU 24 JUILLET 2023 RAVIN DE VALPEYROUSE

Participants :

Dorian M / Mélina B

But de la sortie :

Prospection et référencement de cavités dans le ravin de Valpeyrouse à VIVIERS.

Après une journée peu productive on décide d’aller prospecter la zone du ravin de Valpeyrouse vers 17h30 dans le but de découvrir de nouvelles cavités. Après environ 1 km on rencontre déjà quelques petites cavités en bord de chemin que l’on décide de répertorier au retour. On marche encore 2kms et on aperçoit à notre droite une cavité en haut d’une falaise que l’on décide d’aller explorer. Une fois au pied de la falaise deux options, droite et gauche, on choisit la droite où l’on découvre le premier trou obstrué de pierres que l’on nommera trou JYMMYNI CRIQUET dû aux nombreux criquets cachés derrière ! Sur la redescente Dorian aperçoit un autre trou celui-ci plus important que l’on nomme cavité des CRIQUETS d’une profondeur d’environ 5m et qui présente une cheminée remontante d’environ 4m avec trémie supérieure à désober. Autour se situe 5 cavités que l’on nommes CRIQUET 2 ,3,4,5 et 6, énorme population de criquets. Une fois fini je fais tomber le mètre mesureur, en allant le chercher on redescend et on tombe après quelques mètres sur 2 cavités en falaise à environ 6m de haut !

Bravant tous les dangers tel Indiana Jones je grimpe (Mélina) la paroi et découvre une splendide grotte en forme de vulve : la grotte du MARCHOMBRES. Au fond de la grotte je découvre de petites stalactites, une chauve souris et beaucoup de sable au fond avec un grand potentiel : à désober !!

Après cette belle découverte on décide de rentrer et on en profite pour répertorier les 2 abris sous roche vu à l’allée, V.MB.1 et V.MB.2, il est 21h quand on arrive à la voiture.

Situation :

V.MB.1 UTM : 31N E.633047.866 N.4926215.676

Abri sous roche de 2m20 de profondeur, entrée : largeur 1m60 et hauteur 0,38

éboulis à désobstruer ? Entrée face au nord à gauche du chemin forestier.

V.MB.2 UTM : 31N E.633104.047 N.4926347.195 Z : 151m

Abri sous roche de 1m15 de profondeur, entrée : largeur 0,56 et hauteur 0,93

Entrée face au nord à gauche du chemin forestier à environ 1m10 au dessus du chemin.

CAVITÉ DU CRIQUET UTM : 31N E.632815.102 N.4925763.462 Z : 223m

Au dessus d’un éboulis de montagne au pied d’une barre rocheuse, derrière un arbre.

Entrée de 47cm de large par 51cm de haut, une profondeur de 4m70.

Cheminée remontante à 1m40 de l’entrée, hauteur d’environ 3m20 en forme de marteau, présence d’une trémie supérieure à désobstruer ! Grosse population de criquets !!! Au fond, présence d’éboulis.

CRIQUET 2 UTM : 31N E.632815 N.4925763 Z : 223m

A 30 cm à gauche de CRIQUET 1

ouverture de 38cm par 38. profondeur de minimum 1m70 (impénétrable )

rejoint par CRIQUET 3 en Y

CRIQUET 3 Z : 223m

A 1m à gauche de CRIQUET 1

ouverture de 28cm par 24. profondeur de 1m30 (impénétrable )

rejoint par CRIQUET 2 en Y

CRIQUET 4 Z : 224m

A 3 m à gauche de CRIQUET 1

ouverture de 34cm par 48. profondeur de 1m30 (impénétrable )

un arbre pousse à l’entrée

CRIQUET 5 Z : 227m

Au dessus de CRIQUET 2

cavité sans suite, un figuier pousse à l’entrée.

CRIQUET 6 Z : 228m

A 2 m à gauche de CRIQUET, cavité profonde d’environ 1 m. cavité sans suite.*

Peut être un aven situé 2 mètres au dessus, à prévoir du matériel !

GROTTE DE MARCHOMBRES UTM : 31N E.632859.083 N.4925740.485 Z : 200m

Entrée de 2m80 de haut par 1m de large, environ 10m de profondeur, voir plus car suite impénétrable à cause du sable mais suite visible.

Grotte en forme de vulve, petites stalactites, chauve souris. Un arbre pousse à l’entrée de la cavité. Elle est située à 6m de haut sur une barre rocheuse. Il semblerait qu’elle est une voisine 2m à sa droite.

Dorian

COMPTE RENDU SORTIE DU 15 JUILLET 2023 A LA GROTTE GLACÉE DE LA PARE

Le pic de Bure (2709 m) par la crête et la grotte de la Pare et la combe de Pré la Pare.

Système du Pic de la Pare ou Complexe de l’Empire

Montmaur – Hautes-Alpes , Massif du Dévoluy

Développement : 4072m

Dénivelé : 236 m

Synthèse 2010

voir Spéléo mag n°69 pour la spéléo et le site de Pascal Sombardier pour la description complète des itinéraires.

15 juillet 2023

Participants : Emilie B et Bertrand V

Durée de la boucle réalisée: 9H dont 2H TPST

Dénivelé : env 1350m

Accès et points de départ :

De Veynes ou de Gap, aller à Montmaur. Puis suivre la D 320 en direction du hameau de la Montagne. Continuer en direction des Sauvas.

Les Sauvas (1360 m), au bout de la route. Se garer au-dessus des refuges sur un grand parking au départ du sentier classique (variante du GR “Tour du Dévoluy”). Dénivelé : 1274 m ou 1350 m selon le départ choisi jusqu’au sommet de Bure.

Difficulté :

Ambiance très sauvage. Gradins raides dessous et dessus le pré la Pare.

La traversée entre la grotte et le plateau de Bure se fait sur des pentes déversées au-dessus d’une grande barre rocheuse. Pied dévoluard exigé. Itinéraire déconseillé aux personnes peu expérimentées ou impressionnables.

Matériel spécifique :

Piolet préférable s’il reste de la neige et même sans !

Pour visiter la grotte de la Pare, casque et lampe. Les crampons sont indispensables pour s’enfoncer au-delà de la salle d’entrée.

Itinéraire :

  • Du parking des Sauvas : prendre le GR en direction du pic de Bure.
  • Accès direct à la crête de la Pare depuis le Chevalet (tracé jaune sur la carte). Avant 1600 m, traverser un pierrier à droite en direction de gradins transversaux au-dessus d’un bosquet (voir tracé sur la photo). L’avantage est que l’on prend la crête de la Pare depuis le bas. C’est beau et ça ne manque pas de sel. Le début de la traversée est même très exposé. Ce sera un grand petit plus seulement pour les adeptes de sombarderies… Après ce passage “salé”, continuer en traversée ascendante jusqu’à passer derrière un éperon rocheux d’où l’arête se dévoile. La suivre jusqu’à la bosse 1980 m.

Une fois sur le pré, louvoyer dans les gradins au-dessus en direction du chourum bien visible au pied de la falaise sommitale du pic de la Pare (sur sa droite). On évite au maximum le pierrier en suivant des bandes herbeuses.

Visite de la grotte :

L’entrée (celle de droite) impose de se mettre à quatre pattes sur quelques mètres, mais on arrive tout de suite sur la rivière gelée. En la suivant sur quelques dizaines de mètres, on arrive devant une magnifique colonne de glace.

A cette date du 15 juillet il reste pas, mal de glace ce qui nécessite les crampons. Un ressaut est équipé d’une corde fixe dynamique.

Montée au plateau de Bure :

Par la diagonale dans les barres de la Pare, repérer une écharpe herbeuse évidente sous un petit pilier à l’est. On l’atteint en traversant des strates et des gradins sur du terrain à chamois (légère descente au début). Au-delà du pilier, la rampe se met à monter et on utilise des dalles commodes pour rejoindre l’entonnoir herbeux qui mène sur le plateau de Bure. On n’est plus qu’à quelques minutes du sommet…

Emilie et Bertrand

COMPTE RENDU SORTIE DÉCOUVERTE DU 12 JUILLET 2023 A LA BAUME DES ANGES

Présents : Daniel M, JL P. et les petits enfants de Daniel M

Pour cette semaine 28 – 2023 nous avons nos deux petits-enfants, Rauxane 10 ans de Bédarrides (84) et Aubin 14 ans de Moiré (69). J’avais établi un planning sportif hebdomadaire en incluant de la spéléo, étant licencié au club ‘’Masc ‘’ j’ai pris contact avec Jean-Luc pour lui demander de nous encadrer à La Baume des Anges. J-L m’a répondu dans la foulée pour me proposer une sortie pour le mercredi 12 à 13h00. Aubin avait déjà participé à une journée organisée par le club en Juin 2022 à la BdA et il en était sorti enchanter pour sa première expérience. Après les avoir équipés combinaisons prêtées pour l’occasion par J-L, casque, éclairage, gants, nous sommes entrés à 13h45 et sortis à 17h00 ; du pur bonheur.

Rauxane : pour ma première spéléo …..Trop bien. A refaire avec mes cousins, mon papé et Jean-Luc. Un moment c’était rigolo dans les étroitures parce que je pensais de ne pas passer, mon papé et Jean-Luc m’ont dit : ‘’Ludwig est passé dans ce tunnel donc pour toi tu passes sans problème’’. J’ai rampé sur des cailloux, de la terre, du sable et visité de belles galeries et écouté les explications de J-L. Il fait bon dans la grotte je n’ai pas aimé les moustiques. Super trop bien merci Jean-Luc.

Aubin : génial pour la deuxième fois je me régale à crapahuter dans les étroitures et découvrir des grandes galeries derrière. J-L nous a expliqué pleins de choses sur la formation des concrétions, la présence de nombreux coquillages, nous avons même vu des os de cheval. J’ai aimé le mini toboggan, faire des boules avec de l’argile, je n’ai pas aimé les bleus que j’ai attrapé en me cognant. J’avais peine pour le dos de mon papé. C’est génialement bon merci Jean-Luc.

Daniel

COMPTE RENDU DE LA SORTIE DU 28 JUIN 2023 GROTTE SOUS LA CATHÉDRALE

Participants :

Dorian M / Mélina B

But de la sortie :

Prospection et référencement d’une cavité dans le centre de VIVIERS (Ardèche)

Lors de plusieurs échanges avec notre fabuleux présidents J.J A, il semblerait que cette cavité que je connais depuis quelques années n’était pas répertoriée dans les archives du MASC.

Avec Mélina nous décidons alors d’aller prendre quelques mesures et la position de cette belle entrée d’environ 3m par 5m face à l’est, face au Rhône.

Elle n’a pas forcement un grand intérêt, plafond instable, éboulis et pollution a l’entrée de la part des habitants (apparemment 20 m au dessus dans la falaise.)

Là aussi Jean-Jacques a fait bouillir son cerveau Cette cavité nous avez été indiquée si je me rappelle bien dans les années 80 par une personne de Viviers habitant place de la Roubine qui ne nous a plus recontacté pour nous y amener.

Situation :

Grotte sous la Cathédrale UTM : 31N E.634533.294 N.4926800.189

Cavité d’environ 35m de développement

Entrée face au nord, au dessus du cabinet médical de Viviers

Il vaut grimper dans une espèce de bute, passer sous une arche en pierre et quelques ruines, longer la falaise sur la droite et tomber sur la cavité. Un beau porche d’environ 5 m de large sur 3m de haut recouvert de lierre et de mousse.

Dorian

COMPTE RENDU DE LA SORTIE DU 28 JUIN 2023 GROTTE DE LA FORGE


Participants :

Dorian M.

But de la sortie :

Prospection et référencement de cavité sur les bords du Rhône côté Châteauneuf du Rhône

Un jour après de multiples recherches de l’Aven du GROS DINDON et celui du PETIT DINDON, je suis tombé par hasard sur cette cavité.

J’y suis retourné souvent en croyant que c’était le PETIT DINDON.

Après multiples échanges avec JJA et des recherches sur les bulletins, je me suis rendu compte que c’était pas celle-ci. Je m’y presse afin de faire un croquis d’exploration. D’ailleurs je n’ai jamais trouvé ces deux avens … Mais le vin qui j’y ai fait vieillir quelques années était très bon ! Pour l’histoire je me suis servi de l’enclume pour y forger un anneau dans cette grotte ! Anneau toujours à mon index depuis.

Après avoir forcé sa mémoire Jean-Jacques s’est rappelé que cette cavité que nous avons oublié dans l’inventaire avait été repérée par Hervé S et Bruno C dans les années 86. Ils en avaient parlé mais n’avions pas à cette époque donné suite.

Plusieurs cheminées donnent sur l’extérieur avec des superbes halos lumineux qui éclairent la grotte suivant l’heure de la journée. A droite une galerie à désobstruer, au fond une cheminée remontante à explorer mais très étroite et pleines de méta et de tégénaire. Cheminées impénétrables multiples au plafond.

Situation :

GROTTE DE LA FORGE UTM : 31N E.635586.715 N.4926605.929 Z : 65 m

Entrée circulaire, développement d’une dizaine de mètres avec cheminée donnant sur l’extérieur.

Prendre la longévité du tunnel de la voie ferrée. Remontée dans la montagne droit devant et une fois à la falaise, prendre à droite et suivre la falaise jusqu’à l’entrée de la cavité.

Dorian

HUMOUR – LA LEGENDE DU TROU DE L’AIGLE par Hervé G.

La légende du Trou de l’Aigle À ma barre à mine… 

Le Montélimar-Archéo-Spéléo-Club, à l’époque, était déjà dirigé d’une poigne de fer par une junte d’inspiration sud-américaine menée par El Presidente, notre illustre Président Jean-Jacques Audouard dont personne n’osait contester le pouvoir, flanqué de son fourbe et fidèle lieutenant, le terrible (Lou) Teissoun. Son Excellence le Commodore Audouard, un ex-mercenaire au passé lourd et tumultueux, était un homme impitoyable mais charismatique qui, au tout début de la création du MASC, avait été formé par Le Raïs, Son Altesse Éminentissime le Grand Maître Serge Aviotte, alors guide suprême de la spéléologie moderne, figure mythique semi-divinisée et vénérée du Groenland à Madagascar… Tel le policier des Village People, avec ses moustaches et sa casquette, notre glorieux Président exerçait un pouvoir de fascination sur les mamées du quartier qui frémissaient à l’idée de le voir sortir en uniforme de sa 4L jaune des PTT (sa réputation nous avait d’ailleurs inspiré la chanson « Gare à Jean-Jacques » qui commençait ainsi : « C’est au volant de sa 4L que les commères du canton contemplaient un puissant facteur etc. »). Lou Teissoun, l’homme de l’ombre du régime, Patrick Morand de son vrai nom, était un être de petite taille, rusé et inquiétant au regard noir perçant et malicieux, coiffé d’un capeù qu’il ne quittait jamais, même au lit à ce qui se disait… À l’affut comme une panthère tapie dans l’ombre, il avait d’ailleurs fomenté un coup d’état et avait renversé le despote pour s’emparer de la présidence du MASC. Sans doute peu sûr de lui, il était resté toutefois clément avec le vaincu qu’il conserva comme proche conseiller. Bien lui en fut car, après un an d’errance morandienne du club, El Presidente reprit les rênes du pouvoir et ce de façon définitive en se faisant nommer président à vie (il fut ainsi appelé El Presidente). D’un grand geste magnanime, il pardonna au Teissoun sa perfidie et le réhabilita au point qu’il reprit même sa fonction de porte flingue du régime audouardien. Le lieutenant Morand faisant alors régner la discipline dans le club, en particulier au niveau du rangement du matériel qui, avant de rejoindre les râteliers du local (c’est-à-dire des mois voire des années après), devait toujours transiter par une longue quarantaine dans le coffre de sa voiture selon une stratification, d’aspect bordélique mais en réalité bien ordonnée, où se mêlaient mousquetons, ossements et appareils photos (appareils qu’il « s’était » offert à son épouse qui ne faisait pas de photos). Pour l’anecdote, le véhicule était initialement une Peugeot 309 dans laquelle on pénétrait à grand peine et dont la bande de roulement des pneus, normalement « tubeless », ne tenait plus aux deux flancs latéraux que par les fils de fer de l’armature qui à la longue perçaient la chambre à air. Pour ceux qui n’auraient pas compris, une chambre à air avait été judicieusement ajoutée pour assurer l’étanchéité des « tubeless », malin… Fermons la parenthèse. Indépendamment de la vie de l’association, Lou Teissoun tenta également une expérience politique en se lançant dans la course aux municipales de Malataverne. Malgré l’admiration que lui portaient les Malatavernois, il ne parvint pas à ses fins car il commit une erreur stratégique en ne misant pas sur le bon cheval… L’idée d’un aéroport à Malataverne conduite par Gaston le chef de liste ne convainquit pas les électeurs… (Une chanson que nous avions écrite relatait d’ailleurs cette épopée, elle s’intitulait « Les portes de la municipalité », elle commençait ainsi : « Les portes de la municipalité bientôt vont se fermer et toi Patrick tu n’y es pas entré etc. »). Il est à noter que, quelques années après, un autre coup d’éclat politique fût brisé dans l’œuf : El Presidente et Lou Teissoun fondèrent ensemble leur propre parti, le PPSK (Parti des Porteurs de Slip Kangourou), et tentèrent de s’imposer sur la place publique de Montélimar par une campagne éclair sur les Allées provençales qui impressionna les foules mais qui fût malheureusement violemment réprimée par les autorités locales… Ils renoncèrent alors définitivement à tout autre tentative électorale extramasquienne et se consacrèrent pleinement à leur mission première. Tous deux étaient les piliers (enfin ce qu’il en restait) des heures de gloire du MASC. Ils voyaient en nous, Olivier R.et moi-même, deux jeunes minots sympathiques qu’ils avaient formés (oui, ils comprenaient qu’il fallait du sang neuf) mais qu’il fallait néanmoins calmer car potentiellement perturbateurs de ce régime porté sur l’adulation de leur personnalité dont la suprématie ne pouvait être remise en cause… Malgré la face sombre du personnage dissimulée sous le chapeau, le ténébreux Teissoun revêtait également un côté lumineux, celui de l’explorateur à l’optimisme inébranlable. Il poursuivait son Graal ou plutôt ses Graals, qui allaient d’une Lascaux à Malataverne à l’épave de Saint Exupéry à Saint-Remèze, mais le Graal, le Vrai, était le grand collecteur de Navon… Si pour vous, Navon, la « Montagne » comme l’appelaient les Malatavernois, est une petite colline comme une autre, un jardin à grisets pour les ramasseurs de champignons ou bien encore pour d’autres le Beverly Hills de Malataverne, Navon était pour Patrick tout autre chose : Un immense collecteur d’eau… Ça relevait bien évidemment du mythe, mais il tenait ça de légendes qu’il avait glanées de ci de là dans le milieu rural où il était particulièrement influant. En effet, il avait assujetti les indigènes locaux en les rendant dépendant des produits phytosanitaires aux pouvoirs soi-disant extraordinaires et même magiques qu’il leur vendait. À chacune de ses visites, où il était attendu comme le Messie, il inondait ces braves gens de colifichets de la Sicagri (calendrier, porte-clefs, adhésifs, babioles que les gens éduqués appellent aujourd’hui intelligemment « goodies ») en échange desquels il extorquait aux pauvres paysans tous les secrets bien gardés de sources, cavités et autres résurgences qui seraient des portes d’entrées à ses rêves les plus fous… Patrick avait créé tout un réseau d’informateurs extrêmement précieux au développement du club, il connaissait chaque caillou et son histoire, le moindre embryon de sentier lui était familier, il avait ses caches où il laissait ses « grattoirs » (une sorte de prothèse parfaitement intégrée à son anatomie qui lui prolongeait la main, un peu à l’image d’un aye-aye au majeur démesuré). Bref, il avait mis en place un service de renseignements généraux reposant sur un méticuleux maillage territorial dont il maîtrisait chaque arpent. À cela s’ajoutait également son implication dans la cellule d’action clandestine, toutefois reconnue au sein du MASC, « Faïtoutpéta » qu’il fonda et développa jusqu’à ce qu’il prenne conscience de la dangerosité de certains individus de ce groupuscule (notamment Le Bastidoule). Son réseau d’informations et sa capacité à agir faisait du Teissoun un élément redoutable qu’il valait mieux garder à son service et dont d’autres clubs nous enviaient… Le plus dur étant de le maîtriser car il aurait fait perdre patience à un dresseur de phacochères… Certains historiens prétendent que cet aspect expliquerait la mansuétude de El Presidente lors de sa reconquête du pouvoir après le coup d’état du Teissoun… Personnellement, je penche plus pour la grandeur d’âme de Son Excellence et je m’hasarderais même à penser à un coup de maître de son génie machiavélique qui aurait consisté à pousser Lou Teissoun au carton (juste pour une année de gouvernance déplorable) pour mieux le manipuler par la suite et assoir son pouvoir… Mais revenons-en aux faits. Patrick estimait que le Robinet, exploré déjà depuis des décennies, n’avait révélé que la partie émergée de l’iceberg et que l’essentiel restait à découvrir… Pour lui, Navon, ce dernier soubresaut occidental de l’arc alpin, devait abriter un gigantesque collecteur qui aurait déversé ses eaux souterrainement dans le lit du Rhône. Si l’origine helvétique des sources du Rhône au Mont Saint-Gothard était depuis des siècles communément admise par la communauté scientifique, notre Livingstone du Robinet ne désespérait pas pour autant d’atteindre un jour des cataractes secrètes et récrire la carte hydrologique du Rhône méridional… Patrick fut donc à l’origine de nombreuses tentatives exploratoires plus ou moins fructueuses… Infime soit-il, le plus petit signe de respiration d’un vers de terre dans son trou (si tant est qu’ils respirent) devenait un « courant d’air » qui lui ouvrait une nouvelle perspective d’exploration. Certaines aboutirent à de grandes découvertes (les Iboussières), d’autres, la plupart, se soldèrent après d’éprouvants efforts par de cuisantes déceptions, mais son moral ne fût jamais altéré. La moindre fissure, le moindre orifice dans la roche suffisait à renourrir ses espoirs d’une Pierre Saint Martin du Robinet… Jean-Jacques, gardien du dogme de l’Accomplissement des Anciens, voyait d’un œil contrarié cette ambition… Si la perspective d’une grande découverte le réjouissait, il devait néanmoins protéger le culte des Anciens qui étaient censés avoir déjà tout découvert ce qui était découvrable… Nota bene pour les membres récents du club qui veulent se réattaquer au trou de l’Aigle, que le terme Anciens possède un sens tout relatif… Ceux qui étaient pour nous les Anciens pourraient être pour vous aujourd’hui appelés…disons…euh…comment dire…les Âmes errantes…en paix espérons. Respect à eux. Face à l’objectivité de la situation, Jean-Jacques ne put qu’admettre la non-exploration de ce trou repéré par Patrick qui, après des heures d’observation aux jumelles et au téléobjectif, connaissait plus que quiconque le profil de l’entrée et sa situation sur la falaise. Ce trou accessible du haut par un rappel de près de quatre-vingts mètres aurait été de toute façon difficilement accessible et surtout dangereux pour les Anciens dotés d’un matériel archaïque constitué d’échelles de cordes qu’il aurait fallu rabouter le long d’une falaise à la qualité de roche médiocre… Avec ce raisonnement, l’honneur des Anciens était sauf, ils avaient laissé sciemment cette cavité pour la postérité et à la postérité étions arrivés… Aussi, Jean-Jacques donna sa bénédiction à la grande entreprise qui se concrétisa lors d’une belle journée printanière le … (je laisse à Patrick le soin de compléter, je crois me rappeler en avoir rédigé le récit à l’époque, si quelqu’un le retrouve…). Ce jour-là, trois individus pénétrèrent pour la première fois dans ce qui allait devenir le Trou de l’Aigle… Alors pourquoi le Trou de l’Aigle ? L’hypothèse la plus vraisemblable est la découverte dans la grotte du crâne d’un petit rapace (fait avéré car j’ai tenu ce crâne dans mes mains). Une autre hypothèse, du reste non contradictoire avec la première, ferait plutôt référence à la position de la cavité située en pleine paroi, abri naturel idéal pour la nidification d’un aigle. Certains affabulateurs évoquent une troisième hypothèse, que je juge peu probable et peu sérieuse, qui serait une allusion déplacée au profil (soi-disant) aquilin du nez d’un des trois explorateurs qui réalisa la première et qui rappellerait le crâne de rapace découvert…. Pour bien connaître la personne, on peut parler tout au plus d’un profil qui ne correspond pas forcément au petit nez retroussé des mannequins nordiques. L’objectivité m’oblige à citer cette hypothèse mais, encore une fois, elle manque clairement de fondement et préfère l’oublier. Passée l’euphorie de la découverte et des premières explorations (voir le compte-rendu si vous le retrouvez), très vite nous dûmes nous rendre à l’évidence que la Pierre Saint Martin du Robinet n’était pas pour demain… L’espoir n’était pas mort, il résidait dans le courant d’air qui émanait d’une trémie ascendante malheureusement obstruée pas des blocs. Il s’en suivi des séances de désobstruction toujours scandées par le même scénario, c’est à dire « gansaillage » des blocs à l’aide d’une perche que l’on tentait tant bien que mal de rallonger et « escampage » immédiat au moindre bruit qui, à chaque fois, nous faisait croire que nous allions être débordés par une avalanche de pierres que la salle n’aurait pu contenir. À chaque tentative nous n’accouchions que d’une souris et la désobstruction s’éternisa… Dès que nous avions un moment, on s’attelait au chantier. Un beau jour nous, en ressortant de la cavité nous fûmes témoins d’un étrange évènement : Dans la nuit, un puis deux trains aux fenêtres éclairées étaient immobilisés au pied de la falaise. De prime abord plutôt féérique, la scène nous parut rapidement douteuse lorsque nous vîmes approcher une lueur bleue tournoyante qui venait de Donzère. Bien que nous n’ayons rien à nous reprocher, je suggérai alors à mes deux collègues d’éteindre la petite flamme de leur casque, Olivier étant déjà engagé un peu plus haut sur la corde. Le véhicule à la lumière bleue s’était arrêté au niveau du train et des rumeurs d’agitation s’élevaient crescendo autour de la voie… Les minutes passèrent lorsque de petits « tic-tictic » sur nos casques nous firent comprendre que la pluie commençait à tomber… Bon… Olivier, qui n’envisageait pas de passer la nuit sous la pluie pendu à la falaise comme une (future) saucisse bavaroise, actionna le piézo de son casque. La petite flamme réapparut et, évidemment, ce qui devait se produire arriva… À la manière d’une Liza Minnelli descendant les marches, il fut illuminé d’un splendide halo de projecteur, il ne manquait que les plumes et l’évocation de New York pour magnifier le tableau, à la différence notable que les clameurs provenant des spectateurs ne semblaient pas être véritablement des bravos… « Mais qu’est-ce que vous faites ici !? Descendez immédiatement ! » hurlèrent les individus à la lumière bleue. Non par plaisir de provoquer, même si j’avoue que ça s’y ajoutait subrepticement, je répondis poliment : « non on remonte ! » En effet, nous ne pouvions descendre car la corde s’arrêtait à l’entrée du trou située à une bonne vingtaine de mètres du pied de la paroi. Tout en remontant, je me disais en moi-même que, de nuit, au milieu de la garrigue du plateau que nous connaissions comme notre poche, ils ne nous auraient pas trouvés… En haut de la falaise, nous ne vîmes personne, la nuit était sereine, nous pûmes déséquipés tranquillement la corde et les amarrages sans être perturbés. Mais nous n’étions pas encore sortis d’affaire, il y avait encore un indice, et de taille, qui était bien en évidence sur le parking : l’automobile. Une voiture de société deux places et dans laquelle, soit dit en passant, nous étions venus à trois. Je précise pour les jeunes générations bercées par la mouvance sécuritaire que c’était normal pour nous, comme de voyager dans la tombe roulante de Patrick, la ceinture de sécurité pendant à l’extérieur, avec une bouteille de Côtes du Rhône entamée que l’on coinçait entre le siège et le frein à main de façon à l’avoir commodément à portée de main tout en roulant sur la route sinueuse des Gorges de la Vis (nul n’est assez prudent) … Bref, arrivés à la voiture deux ou trois pandores nous attendaient avec leurs torches. Au demeurant plutôt sympathiques, ils nous expliquèrent que le trafic ferroviaire était interrompu à cause d’une chute de pierres que l’on aurait provoquée… « Aaah c’est pas nous ! » fusa spontanément de nos bouches, les jambes droites dans nos bottes tout en argumentant que l’ouverture de la grotte dans la falaise correspondait à la tête d’un puits intérieur et que les pierres ne pouvaient donc pas en sortir, en considérant bien sûr que le problème était forcément antérieur à notre remontée et non issu de cette dernière… Mais comment se dédouaner vis-à-vis d’une situation qui parait d’une telle évidence vue de l’extérieur ? J’éprouvai le même embarras que je ressentais lorsque je passais en train près de l’usine de cellulose entre Arles et Tarascon. En particulier lorsque je me trouvais seul dans le compartiment en compagnie d’une jolie femme qui n’était pas du coin. Aux premières fragrances d’œuf couvé si caractéristique du lieu, un regard accusateur vous dévisage comme si vous étiez à l’origine du forfait… Vous ne pouvez pas même pas renvoyer l’accusation par une mimique car la personne devant vous, qui ignore la présence de l’usine, sait pertinemment que ce n’est pas elle la coupable, c’est donc forcément vous alors que vous n’y êtes pour rien ! Que faire, que dire !? Avec l’expérience je compris que la meilleure technique était de dégainer le premier ! Mais revenons au plateau du Robinet. Face à nos explications les gendarmes nous répondirent qu’ils étaient prêts à nous croire mais qu’il faudrait surtout convaincre la SNCF et nous donnèrent rendez-vous dès le lendemain à la brigade de Donzère… « Aaah les alpinistes » s’exclama le brigadier-chef avec le sourire de l’adjudant Gerber à notre arrivée dans son bureau le samedi matin. Courtois et plutôt amusé, il nous exposa qu’il n’y avait rien à l’encontre de nos activités alpinistico-spéléologiques dans les falaises du Robinet mais que la section de la SNCF de Marseille, dont dépendait la sécurité de ce tronçon de voie, avait porté plainte pour dégradation et interruption du trafic et qu’une enquête allait être diligentée dès le lundi… Bien qu’affichant l’assurance de circonstance du « craint degun », nous repartîmes en nous caguant un peu dessus je dois avouer… En imaginant le nombre de passagers qui allaient demander des remboursements, le montant du préjudice me parut vertigineux pour nos petites épaules… Lundi arriva et l’enquête eu lieu en présence de notre vénérable et aimé Président qui n’aurait jamais abandonné ses héros qui s’étaient si hardiment distingués. Il prit toutefois la précaution d’écarter tout risque d’intervention intempestive de la part de son lieutenant qui se serait avérée contreproductive pour ne pas dire désastreuse, car l’incontrôlable Teissoun, si efficace dans le renseignement et les tractations obscures, était une bombe à retardement en termes de négociations officielles et délicates avec les autorités… Ce jour-là, Son Excellence le Commodore Audouard nous éblouit d’une leçon de diplomatie qui pour moi restera gravée dans le marbre. Non seulement il réussit à prouver que le sectionnement des fils de détection (qui signalent les chutes de pierres) ne se situaient pas à l’aplomb du grand pilier où nous évoluions(mais ça à la limite ce sont les faits qui ont parlé), mais surtout, surtout (je le répète mais c’est exprès), il réussit à convaincre le responsable de la sécurité de la SNCF qu’il était bénéfique pour la sécurité de la voie que nous continuions nos activités exploratoires dans les falaises… ! Nous fûmes donc officiellement encouragés à recommencer… Énormissime !!! Tout ça pour dire que je récupèrerais volontiers ma barre à mine qui doit encore gésir au pied de la trémie… 

Hervé G.

HUMOUR – LA LEGENDE DU TROU DE L’AIGLE par Hervé G.

La légende du Trou de l’Aigle À ma barre à mine…

Le Montélimar-Archéo-Spéléo-Club, à l’époque, était déjà dirigé d’une poigne de fer par une junte d’inspiration sud-américaine menée par El Presidente, notre illustre Président Jean-Jacques Audouard dont personne n’osait contester le pouvoir, flanqué de son fourbe et fidèle lieutenant, le terrible (Lou) Teissoun. Son Excellence le Commodore Audouard, un ex-mercenaire au passé lourd et tumultueux, était un homme impitoyable mais charismatique qui, au tout début de la création du MASC, avait été formé par Le Raïs, Son Altesse Éminentissime le Grand Maître Serge Aviotte, alors guide suprême de la spéléologie moderne, figure mythique semi-divinisée et vénérée du Groenland à Madagascar… Tel le policier des Village People, avec ses moustaches et sa casquette, notre glorieux Président exerçait un pouvoir de fascination sur les mamées du quartier qui frémissaient à l’idée de le voir sortir en uniforme de sa 4L jaune des PTT (sa réputation nous avait d’ailleurs inspiré la chanson « Gare à Jean-Jacques » qui commençait ainsi : « C’est au volant de sa 4L que les commères du canton contemplaient un puissant facteur etc. »). Lou Teissoun, l’homme de l’ombre du régime, Patrick Morand de son vrai nom, était un être de petite taille, rusé et inquiétant au regard noir perçant et malicieux, coiffé d’un capeù qu’il ne quittait jamais, même au lit à ce qui se disait… À l’affut comme une panthère tapie dans l’ombre, il avait d’ailleurs fomenté un coup d’état et avait renversé le despote pour s’emparer de la présidence du MASC. Sans doute peu sûr de lui, il était resté toutefois clément avec le vaincu qu’il conserva comme proche conseiller. Bien lui en fut car, après un an d’errance morandienne du club, El Presidente reprit les rênes du pouvoir et ce de façon définitive en se faisant nommer président à vie (il fut ainsi appelé El Presidente). D’un grand geste magnanime, il pardonna au Teissoun sa perfidie et le réhabilita au point qu’il reprit même sa fonction de porte flingue du régime audouardien. Le lieutenant Morand faisant alors régner la discipline dans le club, en particulier au niveau du rangement du matériel qui, avant de rejoindre les râteliers du local (c’est-à-dire des mois voire des années après), devait toujours transiter par une longue quarantaine dans le coffre de sa voiture selon une stratification, d’aspect bordélique mais en réalité bien ordonnée, où se mêlaient mousquetons, ossements et appareils photos (appareils qu’il « s’était » offert à son épouse qui ne faisait pas de photos). Pour l’anecdote, le véhicule était initialement une Peugeot 309 dans laquelle on pénétrait à grand peine et dont la bande de roulement des pneus, normalement « tubeless », ne tenait plus aux deux flancs latéraux que par les fils de fer de l’armature qui à la longue perçaient la chambre à air. Pour ceux qui n’auraient pas compris, une chambre à air avait été judicieusement ajoutée pour assurer l’étanchéité des « tubeless », malin… Fermons la parenthèse. Indépendamment de la vie de l’association, Lou Teissoun tenta également une expérience politique en se lançant dans la course aux municipales de Malataverne. Malgré l’admiration que lui portaient les Malatavernois, il ne parvint pas à ses fins car il commit une erreur stratégique en ne misant pas sur le bon cheval… L’idée d’un aéroport à Malataverne conduite par Gaston le chef de liste ne convainquit pas les électeurs… (Une chanson que nous avions écrite relatait d’ailleurs cette épopée, elle s’intitulait « Les portes de la municipalité », elle commençait ainsi : « Les portes de la municipalité bientôt vont se fermer et toi Patrick tu n’y es pas entré etc. »). Il est à noter que, quelques années après, un autre coup d’éclat politique fût brisé dans l’œuf : El Presidente et Lou Teissoun fondèrent ensemble leur propre parti, le PPSK (Parti des Porteurs de Slip Kangourou), et tentèrent de s’imposer sur la place publique de Montélimar par une campagne éclair sur les Allées provençales qui impressionna les foules mais qui fût malheureusement violemment réprimée par les autorités locales… Ils renoncèrent alors définitivement à tout autre tentative électorale extramasquienne et se consacrèrent pleinement à leur mission première. Tous deux étaient les piliers (enfin ce qu’il en restait) des heures de gloire du MASC. Ils voyaient en nous, Olivier R.et moi-même, deux jeunes minots sympathiques qu’ils avaient formés (oui, ils comprenaient qu’il fallait du sang neuf) mais qu’il fallait néanmoins calmer car potentiellement perturbateurs de ce régime porté sur l’adulation de leur personnalité dont la suprématie ne pouvait être remise en cause… Malgré la face sombre du personnage dissimulée sous le chapeau, le ténébreux Teissoun revêtait également un côté lumineux, celui de l’explorateur à l’optimisme inébranlable. Il poursuivait son Graal ou plutôt ses Graals, qui allaient d’une Lascaux à Malataverne à l’épave de Saint Exupéry à Saint-Remèze, mais le Graal, le Vrai, était le grand collecteur de Navon… Si pour vous, Navon, la « Montagne » comme l’appelaient les Malatavernois, est une petite colline comme une autre, un jardin à grisets pour les ramasseurs de champignons ou bien encore pour d’autres le Beverly Hills de Malataverne, Navon était pour Patrick tout autre chose : Un immense collecteur d’eau… Ça relevait bien évidemment du mythe, mais il tenait ça de légendes qu’il avait glanées de ci de là dans le milieu rural où il était particulièrement influant. En effet, il avait assujetti les indigènes locaux en les rendant dépendant des produits phytosanitaires aux pouvoirs soi-disant extraordinaires et même magiques qu’il leur vendait. À chacune de ses visites, où il était attendu comme le Messie, il inondait ces braves gens de colifichets de la Sicagri (calendrier, porte-clefs, adhésifs, babioles que les gens éduqués appellent aujourd’hui intelligemment « goodies ») en échange desquels il extorquait aux pauvres paysans tous les secrets bien gardés de sources, cavités et autres résurgences qui seraient des portes d’entrées à ses rêves les plus fous… Patrick avait créé tout un réseau d’informateurs extrêmement précieux au développement du club, il connaissait chaque caillou et son histoire, le moindre embryon de sentier lui était familier, il avait ses caches où il laissait ses « grattoirs » (une sorte de prothèse parfaitement intégrée à son anatomie qui lui prolongeait la main, un peu à l’image d’un aye-aye au majeur démesuré). Bref, il avait mis en place un service de renseignements généraux reposant sur un méticuleux maillage territorial dont il maîtrisait chaque arpent. À cela s’ajoutait également son implication dans la cellule d’action clandestine, toutefois reconnue au sein du MASC, « Faïtoutpéta » qu’il fonda et développa jusqu’à ce qu’il prenne conscience de la dangerosité de certains individus de ce groupuscule (notamment Le Bastidoule). Son réseau d’informations et sa capacité à agir faisait du Teissoun un élément redoutable qu’il valait mieux garder à son service et dont d’autres clubs nous enviaient… Le plus dur étant de le maîtriser car il aurait fait perdre patience à un dresseur de phacochères… Certains historiens prétendent que cet aspect expliquerait la mansuétude de El Presidente lors de sa reconquête du pouvoir après le coup d’état du Teissoun… Personnellement, je penche plus pour la grandeur d’âme de Son Excellence et je m’hasarderais même à penser à un coup de maître de son génie machiavélique qui aurait consisté à pousser Lou Teissoun au carton (juste pour une année de gouvernance déplorable) pour mieux le manipuler par la suite et assoir son pouvoir… Mais revenons-en aux faits. Patrick estimait que le Robinet, exploré déjà depuis des décennies, n’avait révélé que la partie émergée de l’iceberg et que l’essentiel restait à découvrir… Pour lui, Navon, ce dernier soubresaut occidental de l’arc alpin, devait abriter un gigantesque collecteur qui aurait déversé ses eaux souterrainement dans le lit du Rhône. Si l’origine helvétique des sources du Rhône au Mont Saint-Gothard était depuis des siècles communément admise par la communauté scientifique, notre Livingstone du Robinet ne désespérait pas pour autant d’atteindre un jour des cataractes secrètes et récrire la carte hydrologique du Rhône méridional… Patrick fut donc à l’origine de nombreuses tentatives exploratoires plus ou moins fructueuses… Infime soit-il, le plus petit signe de respiration d’un vers de terre dans son trou (si tant est qu’ils respirent) devenait un « courant d’air » qui lui ouvrait une nouvelle perspective d’exploration. Certaines aboutirent à de grandes découvertes (les Iboussières), d’autres, la plupart, se soldèrent après d’éprouvants efforts par de cuisantes déceptions, mais son moral ne fût jamais altéré. La moindre fissure, le moindre orifice dans la roche suffisait à renourrir ses espoirs d’une Pierre Saint Martin du Robinet… Jean-Jacques, gardien du dogme de l’Accomplissement des Anciens, voyait d’un œil contrarié cette ambition… Si la perspective d’une grande découverte le réjouissait, il devait néanmoins protéger le culte des Anciens qui étaient censés avoir déjà tout découvert ce qui était découvrable… Nota bene pour les membres récents du club qui veulent se réattaquer au trou de l’Aigle, que le terme Anciens possède un sens tout relatif… Ceux qui étaient pour nous les Anciens pourraient être pour vous aujourd’hui appelés…disons…euh…comment dire…les Âmes errantes…en paix espérons. Respect à eux. Face à l’objectivité de la situation, Jean-Jacques ne put qu’admettre la non-exploration de ce trou repéré par Patrick qui, après des heures d’observation aux jumelles et au téléobjectif, connaissait plus que quiconque le profil de l’entrée et sa situation sur la falaise. Ce trou accessible du haut par un rappel de près de quatre-vingts mètres aurait été de toute façon difficilement accessible et surtout dangereux pour les Anciens dotés d’un matériel archaïque constitué d’échelles de cordes qu’il aurait fallu rabouter le long d’une falaise à la qualité de roche médiocre… Avec ce raisonnement, l’honneur des Anciens était sauf, ils avaient laissé sciemment cette cavité pour la postérité et à la postérité étions arrivés… Aussi, Jean-Jacques donna sa bénédiction à la grande entreprise qui se concrétisa lors d’une belle journée printanière le … (je laisse à Patrick le soin de compléter, je crois me rappeler en avoir rédigé le récit à l’époque, si quelqu’un le retrouve…). Ce jour-là, trois individus pénétrèrent pour la première fois dans ce qui allait devenir le Trou de l’Aigle… Alors pourquoi le Trou de l’Aigle ? L’hypothèse la plus vraisemblable est la découverte dans la grotte du crâne d’un petit rapace (fait avéré car j’ai tenu ce crâne dans mes mains). Une autre hypothèse, du reste non contradictoire avec la première, ferait plutôt référence à la position de la cavité située en pleine paroi, abri naturel idéal pour la nidification d’un aigle. Certains affabulateurs évoquent une troisième hypothèse, que je juge peu probable et peu sérieuse, qui serait une allusion déplacée au profil (soi-disant) aquilin du nez d’un des trois explorateurs qui réalisa la première et qui rappellerait le crâne de rapace découvert…. Pour bien connaître la personne, on peut parler tout au plus d’un profil qui ne correspond pas forcément au petit nez retroussé des mannequins nordiques. L’objectivité m’oblige à citer cette hypothèse mais, encore une fois, elle manque clairement de fondement et préfère l’oublier. Passée l’euphorie de la découverte et des premières explorations (voir le compte-rendu si vous le retrouvez), très vite nous dûmes nous rendre à l’évidence que la Pierre Saint Martin du Robinet n’était pas pour demain… L’espoir n’était pas mort, il résidait dans le courant d’air qui émanait d’une trémie ascendante malheureusement obstruée pas des blocs. Il s’en suivi des séances de désobstruction toujours scandées par le même scénario, c’est à dire « gansaillage » des blocs à l’aide d’une perche que l’on tentait tant bien que mal de rallonger et « escampage » immédiat au moindre bruit qui, à chaque fois, nous faisait croire que nous allions être débordés par une avalanche de pierres que la salle n’aurait pu contenir. À chaque tentative nous n’accouchions que d’une souris et la désobstruction s’éternisa… Dès que nous avions un moment, on s’attelait au chantier. Un beau jour nous, en ressortant de la cavité nous fûmes témoins d’un étrange évènement : Dans la nuit, un puis deux trains aux fenêtres éclairées étaient immobilisés au pied de la falaise. De prime abord plutôt féérique, la scène nous parut rapidement douteuse lorsque nous vîmes approcher une lueur bleue tournoyante qui venait de Donzère. Bien que nous n’ayons rien à nous reprocher, je suggérai alors à mes deux collègues d’éteindre la petite flamme de leur casque, Olivier étant déjà engagé un peu plus haut sur la corde. Le véhicule à la lumière bleue s’était arrêté au niveau du train et des rumeurs d’agitation s’élevaient crescendo autour de la voie… Les minutes passèrent lorsque de petits « tic-tictic » sur nos casques nous firent comprendre que la pluie commençait à tomber… Bon… Olivier, qui n’envisageait pas de passer la nuit sous la pluie pendu à la falaise comme une (future) saucisse bavaroise, actionna le piézo de son casque. La petite flamme réapparut et, évidemment, ce qui devait se produire arriva… À la manière d’une Liza Minnelli descendant les marches, il fut illuminé d’un splendide halo de projecteur, il ne manquait que les plumes et l’évocation de New York pour magnifier le tableau, à la différence notable que les clameurs provenant des spectateurs ne semblaient pas être véritablement des bravos… « Mais qu’est-ce que vous faites ici !? Descendez immédiatement ! » hurlèrent les individus à la lumière bleue. Non par plaisir de provoquer, même si j’avoue que ça s’y ajoutait subrepticement, je répondis poliment : « non on remonte ! » En effet, nous ne pouvions descendre car la corde s’arrêtait à l’entrée du trou située à une bonne vingtaine de mètres du pied de la paroi. Tout en remontant, je me disais en moi-même que, de nuit, au milieu de la garrigue du plateau que nous connaissions comme notre poche, ils ne nous auraient pas trouvés… En haut de la falaise, nous ne vîmes personne, la nuit était sereine, nous pûmes déséquipés tranquillement la corde et les amarrages sans être perturbés. Mais nous n’étions pas encore sortis d’affaire, il y avait encore un indice, et de taille, qui était bien en évidence sur le parking : l’automobile. Une voiture de société deux places et dans laquelle, soit dit en passant, nous étions venus à trois. Je précise pour les jeunes générations bercées par la mouvance sécuritaire que c’était normal pour nous, comme de voyager dans la tombe roulante de Patrick, la ceinture de sécurité pendant à l’extérieur, avec une bouteille de Côtes du Rhône entamée que l’on coinçait entre le siège et le frein à main de façon à l’avoir commodément à portée de main tout en roulant sur la route sinueuse des Gorges de la Vis (nul n’est assez prudent) … Bref, arrivés à la voiture deux ou trois pandores nous attendaient avec leurs torches. Au demeurant plutôt sympathiques, ils nous expliquèrent que le trafic ferroviaire était interrompu à cause d’une chute de pierres que l’on aurait provoquée… « Aaah c’est pas nous ! » fusa spontanément de nos bouches, les jambes droites dans nos bottes tout en argumentant que l’ouverture de la grotte dans la falaise correspondait à la tête d’un puits intérieur et que les pierres ne pouvaient donc pas en sortir, en considérant bien sûr que le problème était forcément antérieur à notre remontée et non issu de cette dernière… Mais comment se dédouaner vis-à-vis d’une situation qui parait d’une telle évidence vue de l’extérieur ? J’éprouvai le même embarras que je ressentais lorsque je passais en train près de l’usine de cellulose entre Arles et Tarascon. En particulier lorsque je me trouvais seul dans le compartiment en compagnie d’une jolie femme qui n’était pas du coin. Aux premières fragrances d’œuf couvé si caractéristique du lieu, un regard accusateur vous dévisage comme si vous étiez à l’origine du forfait… Vous ne pouvez pas même pas renvoyer l’accusation par une mimique car la personne devant vous, qui ignore la présence de l’usine, sait pertinemment que ce n’est pas elle la coupable, c’est donc forcément vous alors que vous n’y êtes pour rien ! Que faire, que dire !? Avec l’expérience je compris que la meilleure technique était de dégainer le premier ! Mais revenons au plateau du Robinet. Face à nos explications les gendarmes nous répondirent qu’ils étaient prêts à nous croire mais qu’il faudrait surtout convaincre la SNCF et nous donnèrent rendez-vous dès le lendemain à la brigade de Donzère… « Aaah les alpinistes » s’exclama le brigadier-chef avec le sourire de l’adjudant Gerber à notre arrivée dans son bureau le samedi matin. Courtois et plutôt amusé, il nous exposa qu’il n’y avait rien à l’encontre de nos activités alpinistico-spéléologiques dans les falaises du Robinet mais que la section de la SNCF de Marseille, dont dépendait la sécurité de ce tronçon de voie, avait porté plainte pour dégradation et interruption du trafic et qu’une enquête allait être diligentée dès le lundi… Bien qu’affichant l’assurance de circonstance du « craint degun », nous repartîmes en nous caguant un peu dessus je dois avouer… En imaginant le nombre de passagers qui allaient demander des remboursements, le montant du préjudice me parut vertigineux pour nos petites épaules… Lundi arriva et l’enquête eu lieu en présence de notre vénérable et aimé Président qui n’aurait jamais abandonné ses héros qui s’étaient si hardiment distingués. Il prit toutefois la précaution d’écarter tout risque d’intervention intempestive de la part de son lieutenant qui se serait avérée contreproductive pour ne pas dire désastreuse, car l’incontrôlable Teissoun, si efficace dans le renseignement et les tractations obscures, était une bombe à retardement en termes de négociations officielles et délicates avec les autorités… Ce jour-là, Son Excellence le Commodore Audouard nous éblouit d’une leçon de diplomatie qui pour moi restera gravée dans le marbre. Non seulement il réussit à prouver que le sectionnement des fils de détection (qui signalent les chutes de pierres) ne se situaient pas à l’aplomb du grand pilier où nous évoluions(mais ça à la limite ce sont les faits qui ont parlé), mais surtout, surtout (je le répète mais c’est exprès), il réussit à convaincre le responsable de la sécurité de la SNCF qu’il était bénéfique pour la sécurité de la voie que nous continuions nos activités exploratoires dans les falaises… ! Nous fûmes donc officiellement encouragés à recommencer… Énormissime !!! Tout ça pour dire que je récupèrerais volontiers ma barre à mine qui doit encore gésir au pied de la trémie…

Hervé G.