Peyrejal : et encore une madeleine, une !

Sortie du 05/02/23

Quand on avance en âge, on apprécie les madeleines, ces moments privilégiés où l’on retrouve le
« temps perdu » et les saveurs de sa jeunesse. Je n’ai donc pas hésité une seconde à rejoindre
Bertrand et Emilie, ainsi qu’Arnaud, benjamin du Club mais déjà bien aguerri, sur le parking de
l’aven de la Cocalière. Ils ont visiblement bien supporté le bivouac « hivernal» pour lequel j’avais
botté en touche, à tort probablement : La température est toujours restée largement positive en cours
de nuit et lorsque j’arrive, le soleil inonde la clairière abritant leur campement alors que le mistral
épargne miraculeusement ce coin d’Ardèche méridionale.
Sitôt l’équipement spéléo et ciné réparti dans les kits, nous prenons le chemin de l’entrée artificielle
du réseau de la Cocalière. Nous voici bientôt sur les lieux, devant une grille de bon aloi ayant
remplacé avantageusement la plaque rouillée originelle. C’est Emilie (en avant les filles!) qui se
porte volontaire pour équiper. Elle s’acquittera au mieux de sa mission, délicate car on a affaire à un
itinéraire de descente pas forcément évident, succession de ressauts plutôt que véritable puits, et à
un équipement en place dont la profusion provoque embarras dans les choix. En fait, il y a plusieurs
variantes possibles et celle qu’Emilie choisit, même si elle est gourmande en corde et amarrages, a
l’avantage de nous offrir un max de sécurité. Je serais en tout cas bien en peine de l’aider en
convoquant des souvenirs vieux d’ il y a 30 ou 40 ans….50 ? non, peut-être pas quand même ; mais à
l’époque, je ne prenais pas de note, faisant confiance à une mémoire qui m’a trahi jusqu’à en oublier
la localisation de l’entrée. Je suis d’ailleurs désormais surpris par l’amplitude de la galerie dans
laquelle nous parvenons, suite logique des grands porches d’entrée et de sortie du réseau, qui
contraste avec l’entrée resserrée et la faillle exigüe qui lui fait suite…et je découvre bientôt ma
première madeleine, cet enchâssement de gours magnifiques aux bords délicatement ouvragés
recouverts d’un voile aquatique translucide. Bref, sétrébo et il s’avère que j’ ai gardé une vision
particulièrement précise de cet endroit magique, sous la forme d’un cliché grand format en noir et
blanc tiré artisanalement par mes soins, exposé naguère et entreposé depuis dans un quelconque
placard, preuve irréfutable que si les humains passent, la nature elle demeure.
Mais aujourd’hui la machine à filmer s’est mise en branle sous la direction bienveillante de
Bertrand, assisté par Emilie. Nous effectuons de bonne grâce une série d’ allers-retours dans cette
vaste galerie très photogénique, sous l’éclairage de spots judicieusement disposés : Ca vaut bien une
montée des marches, sauf que là c’est le cadre qui prime ; en tout cas les acteurs ne se lassent pas de
le contempler à chacun de leurs passages. Pensée émue à mes années super 8, celles où
j’immortalisais entre autres la descente dans la grande salle de l’aven de la Salamandre, assisté de
mes camarades du Masc qui géraient courageusement le groupe électrogène. Mais aujourd’hui, je
fais totalement confiance à nos deux cinéastes, rompus à l’exercice et familiers des évolutions
technologiques.
Après une série de champs et de contrechamps, le besoin de se dégourdir les jambes, stimulé par
nos velléités exploratrices, nous pousse vers la suite de la galerie et nous prenons naturellement la
direction du réseau Mathieu . Un premier ressaut nous fait hésiter. Je retrouve ma fougue d’antan en
le désescaladant, non s’en m’être assuré, l’expérience aidant, que la remontée s’avèrera possible sans
l’aide d’autrui. Nous franchissons donc l’obstacle à tour de rôle et empruntons ensuite ce qui semble
être la galerie principale, en tout cas la plus active, délaissant des embranchements qui parfois
rejoignent l’axe initial. Après une bonne demi-heure d’explo, nous trouvant sans doute très proches
de la voûte mouillante indiquée sur la topo, nous décidons d’un commun accord de faire demi-tour.
Nous éviterons de tomber dans la Souricière que peut constituer ce réseau quelque peu
labyrinthique, mais il faudra bien nos quatre mémoires conjuguées pour finalement retrouver nos
sacs et pouvoir ainsi ingérer quelques remontants allant du sandwich sans garniture, arrosé toutefois
d’une boisson énergisante, aux tranches de saumon fumé, souvenir festif.
Comme nous nous trouvons fort opportunément à l’embranchement du réseau de Sauvas, nous
nous engageons résolument dans ce réseau mythique et, quelques laisses d’eau et lits de gravier plus
tard, nous nous retrouvons à l’entrée des fameuses conduites forcées, où je me dois de déguster ma
deuxième madeleine, m’appuyant sur un souvenir que je ne saurais qualifier de réel ou d’inventé,

tellement les « tubes de Sauvas », photographiés à de multiples reprises, font partie de l’imaginaire
de la communauté spéléo toute entière. En tout cas, la caméra de Bertrand les immortalisera une
fois de plus tandis que nous les parcourrons dans les deux sens pour notre plus grand plaisir,
impressionnés par les liens que ces conduits on ne peut plus naturels entretiennent avec les buses
bétonnées conçues par les hommes et confortés ainsi dans l’idée que notre espèce est profondément
ancrée dans notre terre-mère. Mais trêve de philosophie ! Il est temps de clore le film devant l’entrée
du siphon menant quelques kilomètres plus loin à la goule de Sauvas. Conclusion très simple, sans
fioriture ; comme le sont les films de Bertrand, c’est pour cela qu’il nous embarque si aisément dans
ses aventures : « Au revoir les amis, à la prochaine ! »
Mon récit, lui, se poursuivra un peu ; Arnaud se chargera sans problème du déséquipement . Je
l’attendrai régulièrement savourant chaque instant de cette remontée, depuis le centre de la terre
(enfin presque!) jusqu’au monde des vivants : ceux-ci n’ont d’ailleurs pas hésité à nous fermer
facétieusement la grille au nez et à remonter la corde du dernier ressaut. « M’en fiche ; suis cap de
remonter en libre ! ». D’ailleurs, la corde réapparaît bien vite et la grille se soulève, nous permettant
de nous retrouver tous les quatre à la sortie du trou, heureux de cette escapade de 5-6h dans le
monde des ténèbres.
Ma troisième madeleine sera plus récente, car datée d’un an et demi, et elle prendra la forme d’une
part de brioche préparée et offerte généreusement par Emilie et dont j’ai retrouvé agréablement la
saveur.
Quant à la madeleine en chef, celle qui coiffe toutes les autres, elle est constituée sans doute par ce
« temps retrouvé », cette immersion l’espace d’un dimanche au sein de cette garrigue ardéchoise
parcourue de ruisseaux souvent asséchés qui s’enfoncent dans la roche pour réapparaître
mystérieusement, ce décor donc qui servit de cadre à mon enfance, puis à mon adolescence, et
suscita mes premières aventures souterraines. Mais ceci est une autre histoire…passée et je remercie
donc Bertrand et Emilie d ‘avoir rafraîchi mon disque dur et d’y avoir intégré un beau souvenir tout
neuf.
Participants : Bertrand, Emilie, Arnaud, Michel
Compte rendu : Michel, très librement inspiré des écrits d’ un certain Marcel P

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